Le 22 juillet 1995 : un saut quantique musical et visuel
L’événement baptisé July 22nd signifiait l’entrée dans les ligues majeures du mouvement rave, même si certains éléments d’amateurisme perduraient. Il était précurseur des événements de masse signés Productions 514, et de l’ouverture du SONA. Les producteurs étaient un consortium composé de DNA, Spectro, Harmony, jungleJUNGLE et Crazy.
Le flyer : Helvetica means business!
July 22nd... Je me souviendrai toujours du choc que j’ai eu à la boutique DNA en voyant l’un de ces premiers flyers signé Benno Russell, qui rompait avec le style « fractal psychédélique » des flyers auxquels on était habitués. Un nom d’événement et un style graphique à la sobriété extrêmes, qui ont fait école et marqué la pub du SONA par la suite. 10 ans plus tard, le magasin MOOG Audio sur St-Laurent ainsi que bon nombre de cartons d’invitation continuent de faire un usage abondant – je dirais même abusif – de la police Helvetica. Une autre caractéristique typique de ce flyer représentatif de son époque : l’unilinguisme anglais et les fautes de typo. Les billets étaient en vente chez Plantine (sic) à Québec et chez Aritmatek (re-sic) sur la rue St-Denis. En fait, la langue anglaise, tout comme les quelques noms de commerces francophones étaient également massacrés, ce qui contrastait avec la signature visuelle très soignée de ce petit bout de papier que je conserve encore en 3 ou 4 exemplaires. Un logo 18+ nous rappelait que les baby ravers avec des tétines et des déguisements n’étaient pas (ou n’étaient plus) les bienvenus.
L’événement :
Tenu au Palais des Congrès de Montréal dans une ambiance caverneuse, on y demandait comme prix d’entrée 20 $ à l’avance et 25 $ à la porte. Il n’y avait pas de vestiaire (l’un des fameux éléments d’amateurisme!), ce qui fait que les quelque 5000 personnes en présence ont laissé leurs sacs à dos et sacoches le long des caisses de son. Le lendemain matin, des dizaines, voire des centaines de sacs avaient disparu.
Le line up :
Le talent local était représenté entre autres par Tiga (nul besoin de précisions). Selon certaines sources bien informées du milieu deejayistique québécois, Tiga est devenu snob et rêve maintenant de « chier dans un bol de toilette en or » à l’instar de P. Diddy. On retrouvait aussi Double A & Twist (les rois de la drum & bass), Nav Bhinder ainsi que Gnat...un gars hyper sympathique originaire de Winnipeg établi à Montréal qui travaillait chez DNA, à l’arrière de la boutique Juan et Juanita (soit en face de l’ex-Bunker, là où est maintenant situé le Cinéma Ex-Centris) et qui partageait un show de radio pas mal cool avec Tiga sur CKUT. Adityo était, si je me rappelle bien, un gars qui faisait de la trance de style goa avec des DAT (Digital Audio Tapes), une technologie plus ou moins désuète maintenant. Il y avait aussi quelques invités de l’étranger qu’il faut absolument mentionner : James Lavell (sic), en réalité James Lavelle, un jeune pionnier du style acid jazz, fondateur de l’étiquette MoWax. Jon More, selon moi le meilleur deejay de la nuit, a donné sa prestation dans une petite salle intime en présence d’une centaine de personnes, entre 3 h et 5 h du matin. Elle consistait en un set techno tribal brésilien survolté qui a suscité une réaction telle que l’étiquette Ninja Tune s’est établie à Montréal quelques temps après! (Je ne fabule pas, je suis certain que ça a été l’élément déclencheur.) Par la suite, Space Time Continuum, de San Francisco, nous a fait perdre la carte avec un set live complètement disjoncté, c’était le bidouillage électronique de la Côte Ouest à son meilleur!
La découverte de la soirée :
La découverte de la soirée fut aussi la première track entendue en entrant, soit Da Funk de Daft Punk, qui étaient alors de parfaits inconnus (leur premier album allait paraître en 1997).
L’after :
Quelques douzaines de gens égarés sur l’île Sainte-Hélène (dont notre ami Louis Cyr du groupe Le Nombre), qui cherchaient sous la pluie un after qui n’a pas eu lieu! Bref, c’était la nuit où le rave est devenu une bizness, et où les découvertes musicales majeures l’ont tout de même emporté sur les petits désagréments et le down subi pendant le retour à Québec, dans un bus nolisé par Chunky Chuck.
