Le Cablebus de Mexico : parcourir la capitale à vol d’oiseau

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La ligne 1 du Cablebus de Mexico en direction nord.

Près de 20 ans après Medellín, en Colombie, la ville de Mexico s’est dotée d’un système de transport en commun par téléphérique afin de raccorder ses quartiers les plus éloignés à son réseau de métro et de métrobus. Ce faisant, elle rejoint la quinzaine de villes latino-américaines ayant opté pour ce système peu dispendieux et relativement facile à implanter dans des quartiers au relief accidenté.

Passée relativement inaperçue durant la pandémie, l’inauguration des lignes 1 et 2 du Cablebus a eu lieu en mars et août 2021 respectivement. Avec ses sept stations réparties sur 10,6 kilomètres, la seconde détient le record de la plus longue ligne de téléphérique en milieu urbain. Un troisième lien est actuellement en chantier le long du parc de Chapultepec, poumon vert de la capitale.

Or, un système nommé Mexicable existe déjà depuis 2016 aux confins de l’agglomération, dans l’État de Mexico. La connexion du Mexicable avec le reste du réseau métropolitain reste toutefois à concrétiser.

Sur le plan de la communication politique, le Cablebus vise à « desservir les zones à haute densité de population, diminuer les temps de transfert et offrir un service sûr et novateur, afin de lutter contre les inégalités sociales et augmenter l’accès aux opportunités. »

On reconnaît ici le jargon propre aux partis politiques de gauche, qu’il s’agisse de Projet Montréal ou du parti Morena, auquel appartiennent la mairesse de Mexico Claudia Sheinbaum ainsi que le président Andrés Manuel López Obrador.

Sur le plan pratique, le Cablebus s’appuie toutefois sur les succès observés en Amérique du Sud. L’on pourrait aussi affirmer qu’un projet imparfait vaut mieux que d’interminables tergiversations ne menant à rien de concret. Alors voyons à quoi ressemblent les deux lignes existantes.

Ligne 1

La ligne 1 du Cablebus se présente comme une extension aérienne de la ligne 3 du métro (ligne verte), principal axe nord-sud du réseau souterrain. Elle survole la banlieue relativement aisée de Lindavista jusqu’au quartier de Cuautepec, enserré par les montagnes. Une autre branche monte à Tlalpexco, à près de 2500 mètres d’altitude.

Pour s’y rendre depuis le centre-ville, un trajet d’environ 30 minutes de métro suffit pour parvenir à la station intermodale Indios Verdes, à l’extrémité nord de la ligne verte.

De fait, la ligne 1 du Cablebus est la plus accessible du point de vue touristique, mais également celle offrant les plus beaux paysages. Avec un peu de chance, l’on pourra apercevoir l’impressionnant skyline du centre-ville à travers le smog.

Un aller-retour de trois heures, en avant-midi, permettra d’éviter les heures d’affluence et de découvrir l’un ou l’autre des quartiers situés en bout de ligne. Cuautepec, en particulier, offre une ambiance typiquement provinciale ainsi qu’un marché de rue sur environ 400 mètres. Tlalpexco plaira davantage aux randonneurs à la recherche de sentiers panoramiques.

Ligne 2

La ligne 2 du Cablebus relie l’extrémité de deux lignes de métro radiales en complétant un anneau autour des quartiers centraux. C’est la même logique qui a justifié la construction des tramways d’Île-de-France, dans la région parisienne, ou de la Grande Ligne circulaire de Moscou inaugurée tout récemment le 1er mars.

Pour y accéder depuis le centre-ville, en complétant une boucle dans le sens horaire, il faut d’abord emprunter la ligne rose du métro (fermée pour travaux au moment d’écrire ces lignes), effectuer un transfert à la station Pantitlán, et poursuivre sur la la ligne A (violette) jusqu’à la station Santa Marta. Une passerelle mène au Cablebus, qui survole alors une interminable succession de favelas, peintes de couleurs vives et enjolivées d’art mural pour laisser une impression plus favorable.

Les télécabines sont situées assez haut pour voir la démesure de la ville, mais assez bas pour entendre les jappements de chiens, le camion du ferrailleur et les cocoricos. Le parcours jette un regard intime sur ces quartiers populaires aux toits recouverts de cordes à linges, de plantes en pot, de matériaux de construction et de citernes d’eau.

Les bâtiments colorés du quartier d'Itzapalapa, au sud de Mexico

Avantages

Les stations du Cablebus sont propres, dotées d’ascenseurs et de toilettes publiques accessibles avec la même carte magnétique que le reste du réseau. Aux stations, le personnel s’assure de bien répartir les charges et de réguler la température des télécabines. On y entre et on en sort avec un grand sentiment de sécurité.

Le prix du parcours se veut accessible à toutes les couches de la population (7 pesos, soit environ 50 cents canadiens). La gratuité est offerte aux enfants et aux personnes âgées de 60 ans et plus. Cependant, le réseau métropolitain ne possède pas de tarification en fonction de la distance. Une fois sorti du métro, il faut repasser la carte magnétique pour accéder au Cablebus. L’aller-retour du centre-ville à Cuautepec, décrit plus haut, coûtera donc 28 pesos ou un peu plus de 2 dollars canadiens. Il est certain qu’une attraction aussi spectaculaire, à un prix aussi raisonnable, aura un impact favorable sur le tourisme.

Pour la population locale souhaitant se rendre au centre-ville, le temps d’accès au métro peut être réduit de moitié, mais la suite du parcours risque d’être moins agréable.

Inconvénients

L’interconnexion du Cablebus avec le métro laisse à désirer, puisqu’il faut marcher quelques centaines de mètres pour passer d’une station à l’autre, parfois à l’extérieur, sous le soleil tapant de l’été ou la bruine hivernale. Le visiteur incapable de demander son chemin en espagnol risque de tourner en rond assez longtemps, en raison de la signalétique insuffisante ou carrément inexistante le long de ces parcours piétonniers.

Avec 377 cabines et une capacité de 4000 passagers à l’heure, la ligne 1 du Cablebus semble déjà surcharger le métro à partir de la station Indios Verdes. Aux fins de cet exercice, le retour dans un train bondé en début d’après-midi a été des plus inconfortables. En dépit de wagons réservés aux femmes et aux enfants, le succès d’une telle initiative repose ultimement sur une fréquence accrue des rames de métro. Au cours des prochaines années, l’ajout de milliers de passagers supplémentaires en provenance du Mexicable risque d’aggraver cet effet de saturation. Qui plus est, la ligne 2 du Cablebus déverse une partie de ses 48 000 passagers quotidiens à l’autre extrémité de cette même ligne verte, en proie à des situations de plus en plus chaotiques.

Enfin, l’éléphant dans la pièce (pour ne pas dire l’éléphant blanc) est l’absence de train rapide menant au nouvel aéroport Felipe Ángeles (AIFA), inauguré en mars 2022 et situé à 35 kilomètres au nord du centre-ville. Il serait dommage que le Cablebus et le Mexicable, solutions immédiates à un problème pressant, fassent de cet aéroport une sorte de Mirabel dépourvu de transport structurant. Un réseau pleinement intégré, desservant à la fois l’AIFA et les banlieues de l’État de Mexico, aurait sans doute été plus avisé.