Vie et mort d’un site collaboratif : Patwhite.com, 2004-2023

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Patwhite.com - Page d'accueil en 2016

À la suite des révélations médiatiques concernant le site Patwhite.com, je dois faire une mise au point :

Patwhite.com n’est pas uniquement le fruit du travail du journaliste Patrick White, mais aussi celui de plus de 150 collaborateurs et collaboratrices, dont moi-même, qui ont produit des contenus de manière ponctuelle ou régulière sur près de 20 ans. Le site a aussi été une école pour plusieurs stagiaires rémunérés, que j’ai dûment formé à la gestion de contenus et de médias sociaux, aux subtilités de la rédaction web, à l’importance de couvrir le plus de régions et de styles créatifs possible.

Il est tout simplement miraculeux que l’aventure ait tenu aussi longtemps, avec un budget annuel aussi minime. À plusieurs reprises, Patrick a dû puiser de sa poche pour garder le projet en vie.

N’est-il pas ironique que Jean-Hugues Roy, pionnier du journalisme techno et professeur à l’UQAM, par souci de rigueur, ait donné le coup de grâce à l’un des plus vieux blogues collaboratifs encore actifs au Québec? En effet, Patwhite.com est entré en activité en août 2004, soit avant Facebook, YouTube et Twitter, à une époque où MySpace était le seul choix offert aux musiciens et autres créateurs en quête de visibilité.

Les dernières années ont été difficiles, car les mesures sanitaires ont sérieusement nui à la scène culturelle. Il y avait aussi un manque de relève, car les jeunes créateurs de contenu préfèrent désormais les plateformes vidéo au web écrit. J’ai personnellement quitté le projet en janvier 2022, et Patrick a malheureusement commis des erreurs en essayant de tenir le site à bout de bras. Mais celui-ci méritait-il mourir dans l’infamie?

Je comprends et respecte la décision de Patrick de tirer la plug. La situation était intenable.

Ce que je comprends moins, c’est l’attitude de journalistes professionnels ou étudiants, subventionnés ou vivant de fonds publics, qui se scandalisent qu’un média n’ayant jamais reçu un sou de l’État publie des contenus SEO « en échange d’argent ». Le contenu destiné aux robots d’indexation est une technique vieille comme le web, sans laquelle le site n’aurait jamais bouclé son budget. Nous avons identifié ces articles – 0,4% du total publié – comme « contenu de marque » pour dissiper tout malentendu concernant leur nature commerciale. Cette transparence a mené à notre perte.

À un moment où les décideurs déplorent le manque de contenu québécois sur la Toile, et où certains planchent sur un Facebook québécois, plus de 20 000 articles culturels en français sont en sursis. Ce qui pose l’épineuse question de la pérennité des contenus en ligne, et de ce que nous léguons aux prochaines générations dans cet univers dématérialisé.

Blogue personnel à son lancement, Patwhite.com est devenu en quelques mois un joyeux chaos créatif, une plateforme décentralisée qui a culminé dans la première moitié des années 2010. Cet embryon de réseau social québécois, nous l’avons créé.

P.-E. Paradis