En attendant l’Internet haute vitesse : la démocratie cellulaire en RDC ou « Vive le téléphone libre »

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Les SIMM Vodacom et Rogers côte à côte

Je mentionnais, dans un billet précédent, les nombreux changements observables à Kinshasa depuis mon séjour précédent. Mais dans le registre des irritants toujours présents, signalons les temps de déplacement ahurissants du point A au point B, puisqu’un trafic deux fois plus dense qu’au début de la décennie a tôt fait d’occuper le moindre centimètre carré d’asphalte fraîchement repavé. Signalons aussi la lenteur extrême des connexions Internet par satellite, qui font de la République Démocratique du Congo l’un des pays les moins branchés à la Toile, malgré l’absence de censure ou de Great Firewall. On se croirait de retour aux modems 14,4 kbps des années 1990, ce qui n’a nullement empêché le ministère de l’Éducation de publier les résultats des examens d’État dans Internet au début de juillet, provoquant ainsi des attroupements au portes des cybercafés.

Ironiquement, outre le portail de la Société civile pour lequel j’ai œuvré en 2002, un autre projet cher à mon ex-directeur Michel Lambert (et beaucoup plus ambitieux) consistait en l’établissement d’une dorsale Internet empruntant les pylônes de la SNEL ainsi que l’emprise des chemins de fer, et devant traverser la totalité du pays. La fibre optique de cette dorsale devait être connectée au câble sous-marin SAT-3, qui passe au large de l’Afrique et dessert déjà avec une efficacité redoutable des pays comme le Sénégal. Aux dernières nouvelles, il semble que la bureaucratie congolaise a eu raison du projet, mais que les Chinois se sont emparés des études de faisabilité.

C’eût été un beau succès de la coopération canadienne que de contribuer à la réalisation d’un projet aussi porteur dans le domaine des TI. Mais que voulez-vous, tout n’est pas rose dans le pays qui se targue d’être le berceau du téléphone. Le gouvernement conservateur n’a rien à cirer de la coopération internationale – TI ou pas – et notre secteur privé bat de l’aile. Alors que les restes de Nortel sont en voie d’être récupérés par la scandinave Ericsson et que Bell nous inonde de publicité pour des services médiocres et horriblement chers, le directeur de Research In Motion semble plus occupé à doter Hamilton d’une équipe de hockey que de trouver un successeur au BlackBerry pour assurer la longévité de son entreprise.

Pendant ce temps, en RDC comme ailleurs en Afrique, la téléphonie cellulaire fait des progrès remarquables et le coût d’un SIMM revient à 1000 Francs congolais (soit approximativement 1,50 $ USD). C’est donc dire qu’avec aussi peu que 30 $ USD on peut se procurer un appareil usagé, se doter d’un numéro de téléphone et recevoir des appels. Et si Dieu le veut, on aura suffisamment d’argent pour acheter des unités de temps et faire des appels, ou alors en refiler le coût à un papa gâteau. (En effet, composer par exemple le *120*, suivi du numéro de votre destinataire et #OK, permet un appel à frais virés.)

Tout ça sans contrat à long terme, sans facture cryptique, sans frais d’activation et sans flafla. Pas de niaisage pendant de longues minutes en attendant que réponde un service à la clientèle déficient. Les appels sont facturés à la seconde, et ce serait vraiment le meilleur des mondes si les appels d’un fournisseur à l’autre (de Tigo à Vodacom, par exemple) étaient facturés au même prix, avec une politique de neutralité des réseaux. Quoique pour les grands consommateurs de communications mobiles, la solution se présente sous forme d’appareils multi-SIMM.

Bref, la démocratie en RDC est peut-être encore embryonnaire au sens politique, mais la démocratie cellulaire se porte à merveille!

J’oubliais : les étudiants n’ayant pas eu accès à leurs résultats par Internet ont, bien entendu, entré leur code d’étudiant par téléphone pour connaître leurs résultats, avant d’aller s’éclater dans le quartier Bandalungwa. À quand le vote par téléphone aux élections communales?

En passant, si vous êtes en route vers l’Afrique ou ailleurs dans le monde et souhaitez utiliser votre appareil GSM acheté au Canada, il faut le déverrouiller au préalable, afin de pouvoir utiliser les SIMM d’autres fournisseurs. Ce site vous permettra d’entrer le code correspondant à votre type d’appareil pour environ 20 $, une somme bien investie considérant que les tarifs roaming peuvent atteindre 4 $ la minute, si vous restez fidèles à votre fournisseur canadien à l’étranger.

Enfin, pour ceux qui souhaitent pousser leur liberté de consommateurs un cran plus haut, reste encore l’option des téléphones vendus sous licence libre (pièces et logiciels) comme le Neo Free Runner, ou fonctionnant du moins avec un système d’exploitation open source comme Android de Google. Une manière d’envoyer promener les fournisseurs de téléphonie canadiens et les appareils merdiques qu’ils nous proposent.