Parution du livre « Québec, ville dépressionniste »
« Qui aime bien châtie bien » pourrait bien résumer cet ouvrage, destiné à faire passer à la ville de Québec « un bien mauvais 400e ». Sur un ton emprunté aux situationnistes des années 68, les auteurs originaires de la Vieille Capitale nous y livrent un joli recueil de textes philosophico-trash.
Paru la semaine dernière, en même temps qu’Infiniment Québec, le documentaire de Jean-Claude Labrecque au ton exagérément célébratoire, Québec, ville dépressioniste vise au contraire à dénoncer l’« asservissement touristique » et le caractère de « ville empaillée » qui affligent ses vieux quartiers. L’ouvrage est bien documenté et présente des photos d’archives intéressantes. Si le ton est généralement vitriolique, une certaine dose d’humour fait tout de même passer la pilule de manière agréable.
Certains textes visent par ailleurs à nous faire découvrir les quartiers périphériques de la ville fusionnée, et démontrer que tout reste à faire en matière d’urbanisme. Les situationnistes des années 68 prônaient la dérive urbaine (une forme d’errance, le plus souvent à pied, permettant de découvrir des aspects inusités de l’environnement urbain). C’est donc à ce genre de périple que nous convie Simon-Pierre Beaudet, dans sa Poésie du boulevard Hamel (hé oui!).
Je me suis pour ma part reconnu dans le texte L’université dépressionniste, de Mathieu Gauthier, qui relate les échecs du plan d’aménagement de l’Université Laval depuis les années 1950, et fait état d’une psychogéographie étouffante réduisant l’étudiant à son futur rôle d’agent économique.
L’environnement bâti d’une ville est le fruit du mode de pensée des décideurs du passé. Mais celui-ci influence également le mode de vie présent et futur des gens qui l’habitent. Devant me déplacer à pied pour aller étudier – faute de transport en commun digne de ce nom – les années passées à me faire asperger de sloche et affronter les bourrasques de l’autoroute Robert-Bourassa sont ressurgi en un rien de temps à la lecture de ce chapitre. Le conformisme étouffant de Université Laval et la solitude qu’elle génère, au final, sont le digne reflet de ce terne premier ministre, « naufrageur » devenu autoroute, isolant l’institution du reste de la communauté urbaine et humaine.
La Conspiration dépressionniste, Québec, ville dépressionniste, Moult Éditions, 2008, 191 pages.